Come on, let's moan !
Il est 3h40 du matin.
"Hélène et les garçons" à la télé.
C'est déconcertant de voir combien cette série, pourtant l'incarnation parfaite de l'absence de jeu, de scénar, de décor ou d'intérêt quelconque a quelque chose de fascinant. Les garçons "jouent" une espèce de vieux rock(abilly ?) hasbeen avant l'heure, Cricri d'amour a l'impression d'être un Dieu de la batterie... Et du poster des Doors, aux bodys en lycra en passant par les jus d'orange avalés par litres à la cafét de la fac du XIV, tout crie que les années 90 sont passées et qu'il y a peut-être une raison à ce qu'on les ai laissé faire...
Bonne raison de trouver la nuit longue, donc.
Du coup, je me suis glissée dans la robe de chambre un peu crado, mais toujours si confortable, de la nostalgie. Oui, je me suis remise à lire de vieilles conversations msn. Levez les yeux au ciel tant que vous voudrez, on l'a tous fait.
Et là, au détour d'une conversation fascinante (oui, j'ai toujours des conversations fascinantes, c'est ce qui fait mon charme et fidélise mes 12 amis facebook), j'ai relu une assertion franchement déconcertante.
J'ai, un beau jour de septembre 2007, écrit à quelqu'un : "arrête de te plaindre, je me suis plainte de tout pendant un long moment, maintenant je ne le supporte plus !"
Attendez une minute, si je calcule bien, en suivant le raisonnement de la personne qui a écrit ça à l'époque (appelons-là : moi T-2, c'est seyant), en deux ans et demi je devrais avoir totalement arrêté de... me plaindre ?!?
Et pourquoi pas vendre des livres de mormon sur le parvis des mosquées pendant qu'on y est ?
Lors du peu de temps passé éveillée en cours de philo, ou peut-être est-ce la seule chose retenue du "monde de Sophie" de Jostein Gaarder, je crois me souvenir qu'Hegel disait qu'une pomme n'avait pas de goût propre.
Le goût est dans la bouche du testeur.
Le beau est dans l'oeil de l'amoureux, de l'artiste, de l'optimiste.
(Le) Dieu est dans le coeur du croyant.
Bref, tout ne serait que subjectivité.
Soit.
Je veux bien.
Dans un monde où ce "tout" ne dépend que de nos sens, tous les adeptes des bouquins de renforcement personnel, tous les lecteurs assidus du "secret" ou autre "pouvoir de la pensée positive" ont trouvé la voie. Si on suit bien leur raisonnement, tous les grands génies auraient réussi à transcender leurs petites misères (déclaration des droits de l'homme à écrire, sexe de la Joconde à définir, ongles incarnés à soigner...) afin de récolter au choix, la paix dans le monde, les honneurs, la gloire, assez de thune pour faire installer un jacuzzi dans le marronier du jardin. Une manière de voir la vie basée sur le positivisme à tout crin a ça de tentant qu'elle semble être la meilleure façon de trouver la paix sur terre. Et puis ça a l'air si simple.
Si simple.
SI SIMPLE ?!?
Pour des robots, oui, pourquoi pas.
Toutes les religions ont essayé, chacune à leur manière, de faire entendre raison au commun des mortels. Heureux les simples d'esprits, Om Mani Padme Hum, Think Positive...
Aimez votre prochain et sentez-vous coupable si jamais vous n'y arrivez pas, Vivez dans un ascétisme pur et oubliez le bacon, ruinez-vous en nike.
Mais bordel, quand vous vous fracassez l'orteil contre le chambranle de la porte de la salle de bain, quand vous remarquez aux frais de vos intestins que le lait a tourné, quand votre ex vous annonce qu'il a une nouvelle meuf, quand le coiffeur à loupé votre couleur et que vous ressemblez plus à Mylène Farmer qu'à une esquisse de Rossetti, quand y'a plus de papier, quand le métro est bondé et que tout le monde semble avoir oublié les bienfaits du déo, quand votre peau semble vous faire payer le fait de n'avoir pas eu d'acné pendant l'adolescence et se décide à rattraper le temps perdu, quand votre mère vous annonce qu'il va falloir récupérer le félin juste au moment où vous commenciez à apprécier le fait que le futon soit blanc et non roux et poilu, quand un bébé décide de pleurer uniquement lorsqu'il est dans vos bras, quand le pc du bureau ne plante que dans VOS mains et jamais quand le patron est là pour réparer le bug, quand il pleut alors que vous vous étiez décidée à sortir les sandales en daim, quand le clodo du monop' se met à vomir sa villageoise sur ces même sandales que décidément il ne fallait pas sortir, quand il n'y a plus de lait pour le thé...
Come fucking on !
Se plaindre est le dernier bastion de la civilisation contemporaine. C'est peut-être ce qui nous attache à cette saloperie d'humanité, mais c'est aussi ce qui nous empêche de devenir dingue. Se plaindre, s'est crier cette existence sensible à la face du monde, et tant pis si ça le saoule !
Le simple fait d'être en vie fait des dommages collatéraux, alors pourquoi faire comme s'il était possible d'être heureux en permanence, et donc un peu insensible à tout ?
Come on people, let's fucking moan !
Or...
Let's cut loose.
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