The importance of being earnest

On naît et on grandit avec la certitude de n'être qu'une chose entière et solide jusqu'à la découverte des premiers doutes. Notre vie entière se résumant alors à considérer ce qu'il est possible de concéder à sa conscience pour arriver à marcher droit. Faire de notre quotidien un rond parfait, un tout incompressible qu'on peut regarder chaque matin en se disant "c'est bon ça, je suis aussi parfaitement parfait que ce rond".



Mais, outre le fait que je ne connais pas encore le nom d'une telle névrose, une chose est sûre, un rond parfaitement parfait, en terme d'existence quotidienne me semble aussi impossible que de voir le jour où mon félin arrêtera de perdre ses poils.
Mais enfin, que de conjectures pour un débat bien sibyllin me direz-vous.

Et bien là, comme ça, pof pof, plusieurs exemples se présentent devant moi.

Récemment, j'ai eu la chance de pouvoir m'engueuler avec ma génitrice sur le relatif échec des maisons de la culture. Ça tombe bien me direz-vous de nouveau (et je vous remercie de votre participation), en pleine tontonmania, c'est le moment de réviser ses classiques.
Mais avant d'exposer mon point de vue, précisons quelques détails. Ma mère à travaillé pour l'une de ces maisons pratiquement toute sa vie, suant sang et eau pour faire entrevoir les délices de Giraudoux à des populations normalement plus habituées à ce qu'on les traitent avec moins de respect en leur tendant un tournevis et un "sacrée soirée" en guise de nourriture spirituelle. De plus, loin de moi l'idée d'affirmer que ma mère a le même âge que Line Renaud, mais il faut bien avouer qu'au moment où elle rentrée dans le monde de la culture, seule une certaine élite se payait le luxe d'aller au théâtre.
On peut donc affirmer sans détours que la politique culturelle initiée par Malraux a eu du bon. Elle a permis de faire naître des vocations un peu partout (risquerais-je un "parfois trop de vocations d'un coup" ?). Aller au théâtre est devenu, non pas encore naturel, mais du moins possible pour peu qu'on habite ailleurs qu'à Paris. Mais progressivement, toutes choses devenant trop accessibles perdant ainsi tout leur intérêt, les scènes nationales ont parfois perdu de vue leur cible première. Elles ont produit des spectacles pour cette toute nouvelle élite intellectuelle provinciale (Dieu que je déteste ce mot !). Elles se sont éloignées de leur sujet en affirmant qu'elles aussi pouvaient être aussi chics et snobs que la capitale.
Faisant fuir, en un seul spectacle où de jeunes danseurs se barbouillent de peinture bleue au son de John Cage pendant une heure et demie, tout un troupeau de spectateurs qui étaient prêts à s'ouvrir à quelqu'un d'autre que Nickos.

Houston, tu crois pas qu'il y a un problème ?

Et puisque mon cas personnel est celui qui me tombe le plus facilement sous la main, vous me permettrez de l'utiliser. J'ai grandis en pensant que je deviendrai comédienne. Ça m'a toujours semblé être une évidence, même lorsque j'étais bien obligée de constater qu'il me faudrait faire preuve d'un poil plus de vaillance dans l'articulation.
Mais, assez vite, je me suis rendue compte que ne sachant pas interpréter d'autres rôles que le mien et n'étant pas fan du climat assez pompeux qui rafraîchissait mes ardeurs artistiques lors des cours de théâtre, je devais peut-être songer à une porte de sortie.
J'ai essayé la radio, j'essaie toujours d'écrire.
Mais la réalité est là, triste et un peu froide, je n'ai jamais eu une vie aussi chouette que depuis que je travaille activement à la débilisation des masses.

En quoi est-ce que ça concerne les maisons de la culture ? Parce que je ne sais pas si elles peuvent survivre dans cet océan d'accessibilité.
La bêtise est une tendance naturelle à l'être humain, une inclinaison à degré variable de l'esprit.
Et c'est pour ça qu'il sera toujours plus facile de promouvoir Marc Levy, le dernier vaudeville à la mode ou la dernière série de HBO. Parce que cela demande moins d'effort.
Alors oui, les maisons de la culture ont rendu la décentralisation possible, mais en oubliant parfois pour qui elles ont été créées à l'origine.

Devant l'ampleur du "tout à portée de main" offert par internet, on peut encore décemment se demander qui va avoir le courage de se décoller l'arrière train du canapé pour aller soutenir la jeune création ? Seulement, même si celle-ci s'évertue à rentrer dans le saint des saints (disons la Colline ou d'autres théâtres, étonnement toujours à Paris), qu'en est-il de la démarche d'ouverture ?

L'utilité des maisons de la culture, si ce n'est leur nécessité, n'est donc plus à prouver, mais on est doit de se demander quel sera leur devenir.
Creuser l'écart en voulant sauver le plus grand nombre de la bêtise ambulante ou le restreindre au profit de spectacles plus digestes mais aussi plus accessibles ?

Vu la politique actuelle, j'ai bien peur que la télévision ait encore de beaux jours devant elle.
Et que le rond parfaitement rond ne se transforme petit à petit en carré.

Commentaires

Jérôme a dit…
Coucou Viva,
ça ressemble furieusement à un avis politique. Le printemps et ses effets?
Je quitte un moment les habits du cynisme. L'encre n'est pas sèche, je lis ton post dans la journée. Entre fraîcheur et tension, ta prose et ta personne se chercheraient-elles ?
Pas de classement à faire.

C'est plaisant que de te lire, et ça me fait penser que j'ai, de toi, de vieux courriers remontant au siècle dernier. A relire en attendant ton heure.

Et puis je crois que le sujet des Maisons de la Culture me parle directement. Ne nous y serions pas connus? J'ai grandi de l'autre coté de la barrière culturelle, avec une grande faim de nouveau, mais gavé de "Sacrée soirée" et de RTL. Tu avais d'emblée compris trop de choses, dans notre jeunesse perdue en Province. Pauvre peuple. Internet rabattrait les cartes? Possibles outils. Mais il y a trop de mépris social pour que Vilar fasse son retour.

Bises, Jérôme
Anonyme a dit…
J'ai ouvert ma porte est-ce une invitation à entrer ou à sortir ?

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